Artisane
La Réunion
Les voix secrètes des plantes
Dans le silence tiède d’un jardin de Saint-Leu, Valérie Binet écoute ce que les plantes murmurent. Sous ses doigts, les feuilles, les écorces, les racines deviennent couleurs, respirations, passages entre deux mondes. Elle ne fabrique pas simplement des teintures : elle révèle des histoires enfouies dans la matière du végétal. Son univers, Nuance974, est un territoire où la plante parle avant tout comme une mémoire.
Valérie travaille avec ce que la nature lui confie : une peau d’oignon, des feuilles tombées, un fragment de tamarinier, une racine que la terre lui tend. Elle connaît la patience du végétal, son obstination à transmettre. Ses pigments naissent d’ici, de l’île, mais aussi d’ailleurs — Madagascar, où elle a vécu douze ans, et où elle revient encore, guidée par une fidélité profonde envers les familles artisanes. Cette île, qu’elle porte comme une sœur, nourrit son geste et élargit sa palette. L’indigo venu de l’Inde complète ce paysage de couleurs migrantes, voyages intimes entre îles et continents.
Dans son travail, chaque plante est une rencontre. Certaines feuilles restent intactes, pressées contre le tissu pour révéler l’empreinte exacte de leur nerf, de leur souffle. D’autres bouillent, se dissolvent, s’abandonnent dans des bains de chaleur et de patience. Les étoffes — étoles, écharpes, sacs, vêtements, deviennent des paysages de fibres où la lumière dépose sa propre mémoire. Valérie dialogue avec des chercheurs, des artisans, des compagnies de danse et de théâtre ; elle teint des costumes, accompagne des projets, glisse ses couleurs dans des créations intimes et collectives.
Aujourd’hui, elle s’apprête à ouvrir un nouvel atelier au cœur de Saint-Leu, un lieu où ses couleurs pourront enfin respirer plus largement. Elle rêve de machines qui prolongeraient sa main, d’espaces où transmettre son art, d’ateliers où enfants et adultes redécouvriraient leur lien instinctif au vivant.
Dans les teintes qu’elle crée, le végétal ne disparaît jamais : il demeure, vibrant, comme un souvenir de terre et de lumière offert à ceux qui prennent le temps de regarder. »
